Bene qui latuit bene vixit
Vivre ignorée, c'est vivre heureux.
L'histoire ? Ça la raconte :
Une forme étrange était allongée dans cette forêt. Une silhouette dont la surface humide reflétait la lumière du matin. Ça et là, on pouvait voir du sang s'écouler en petites rivières le long du corps, serpentant entre les écailles et venant abreuver une large flaque noire qui entourait l'étrange créature. On pouvait entendre un sifflement presque imperceptible sortir de la bouche reptilienne à chaque respiration. Les yeux déjà mi-clos, ceux-ci se fermèrent finalement en laissant échapper une petite larme qui vint se mélanger et se perdre avec le liquide de vie.
Ça réfléchissait et ça souffrait en silence. Qu'est ce que ça faisait là ? Pourquoi était-ce dans cet état ? Et surtout... qu'était-ce ?
Devant ses yeux, il y avait des images qui passaient. Des images aussi furtives qu'un rêve dont on essayerait vainement de se rappeler.
Dans ces images, il y avait des couleurs, de la chaleur, de la beauté, une beauté fatale même. Ces couleurs tournoyèrent et se mêlèrent, il y avait un homme, un très bel homme, et une autre femme, cette femme avait sa main sur cet homme. Cette femme, elle avait des yeux plein de colère et elle regardait ça. Ça était seule à présent, ça ne se souvenait plus.
Les couleurs s'échappèrent par des paupières à présent ouvertes. Ça avait oublié jusqu'à son nom, ça devait survivre à présent, survivre le plus longtemps possible. Ça ne portait aucune rancœur, c'était simplement heureux d'être encore en vie et de pouvoir respirer l'air qui portait toute les odeurs matinales.
Ça se levait péniblement, lentement, et ça se regardait dans le liquide noir. Ce reflet, ça ne l'avait jamais vu. Il y avait des crocs, il y avait des écailles et surtout, il y avait des serpents : il y avait un visage de monstre sous ce liquide noir. Ça prit une inspiration, ça se calmait et ce reflet changeait imperceptiblement. Ça avait à présent ce qu'on pouvait appeler un visage et de jolis yeux. Le reflet souriait à présent, ce reflet était joli et ce regard qui était le sien lui apportait quelques souvenirs qui vinrent se mélanger aux couleurs de son esprit qui tournoyaient encore.
Ça était satisfaite. Ça allait vivre.
Ça avait une forme bizarre dessinée sous sa peau, sur le dos de la main.
NÇa allait sûrement partir avec le temps et surtout avec les mues.
Ça devait vivre en silence pour que d'autres signes n'apparaissent pas. Ça avait errer pendant longtemps dans cette forêt froide et humide, ça ne s'en plaignait pas. Ça évitait autant que possible les doubles jambes et ça avait découvert que ça savait fabriquer un arc et ça a du apprendre à s'en servir pour éviter que tout étranger ne pénètre dans son territoire. Ça était devenue féroce.
Un soir, le vent ne portait plus les odeurs végétales, l'air était dépourvu des bruits des animaux.
La forêt s'était entourée d'un bien étrange manteau : c'était rouge, orange et jaune. C'était chaud, trop, beaucoup trop, ce n'était pas agréable.
Ça devait fuir, au plus vite !
Ça avait évité de peu les regards de tout ces peaux-roses, ça avait suivit son instinct pendant des mois et des mois, fuyant, se cachant, se nourrissant, et fuyant de nouveau.
Un matin, ça était tombée sur une grotte occupée dans laquelle il y avait un campement constitué d’étranges créatures, différentes et similaires. Ça les a observé un peu, ça n'avait pas un instinct qui lui hurlait de fuir, ça lui disait même d'approcher.
C'est apparut aux yeux de tous, en pleine lumière, ça s'est présenté simplement, ça a même proposé ses modestes services, ça voulait connaître.
Ça était affamée et blessée, ça n'avait pas eu le choix.